Alain Ghertman est né en 1946 dans un milieu de militants, entre autres dans les mouvements de résistance.
Il a été modéliste pour femmes, mais, au-delà de sa passion pour la musique et en particulier le jazz, il s’est fait connaître très
jeune comme dessinateur de presse et d'affiches de
cinéma et de théâtre, mais aussi particulièrement remarqué comme artiste dès sa première exposition de dessins de corps humains chez Daniel Gervis.
Celle-ci révélait un œil et un geste « sauvages » pour reprendre l’expression de Georges Bataille ; Ghertman en effet se donne cette extrême liberté
d’une gestuelle impliquant toute son énergie corporelle pour s’immerger dans une pratique au-delà de toute contrainte d’un habitus formel.
Depuis lors, il n'a jamais cessé de s’emparer de la matière picturale et d’en faire un champ d’expérimentations et de formes sur la base de séries
successives ; en décidant de se confronter à un sujet venant du vécu ou du monde tel qu'il le perçoit, Ghertman engendre une dynamique organique de différences
et de répétitions jusqu'à ce qu’il décide d’arrêter le processus.
Les diverses séries nous donnent à voir le plus souvent l'émergence de corps humains ou animalisés, avec des visages, des bouches, des pieds et des mains faisant consistance
d'une réalité charnelle non dénuée de violences, mais aussi d'humour et de compassion. Cette auto–dynamique créative s’explique par la force singulière
du geste, la cristallisation du rendu, des procédés et des matières employées et la fulguration du désir à même de susciter et de développer ces
images-déchirures venant de l'inconscient et soulignant les apories, les béances de l’être et des êtres affrontant le présent.
Une telle réalité picturale, il nous la fait percevoir aussi à travers une série récente de peintures et collages de vêtements-corps laissant transparaître
des vêtements plus réels que le réel ; cette réalité nous renvoie à une mémoire résiliente de corps les ayant habités ou les habitant,
c'est-à-dire à la part d'invisible sous le visible.
En cela, la peinture telle que réalisée par Ghertman nous fait entrevoir l’envers des choses, à savoir nous approcher d’une réalité du vivant qui sans
cesse nous échappe. Elle constitue une luciole au sein d’un monde où, trop souvent, l'image sans substance nous aveugle plus qu'elle ne nous éclaire.
Arnauld de l’Épine
Présent et à venir :
Ghertman, monographie, Harry Bellet, éd. Cercle d’art, 2000.
Ghertman. Portrait de G. J, François Bon, éd. Cercle d’art, 2004.
Ailes, Éric Chevillard, éd. Fata Morgana, Prix Jean Lurçat 2007 de l'Académie des beaux-arts, 2005.
Un film sur son travail par Guy Girard, en collaboration avec André S. Labarthe, est en cours de réalisation.